L’initiative confédérale annuelle du collectif Femmes mixité s’est tenue en visioconférence, le 1er avril 2021 au matin, et a réuni plus de 80 participant·es, dont certain·es s’étaient réuni·es pour la suivre et y participer depuis une même salle de réunion. Ce webinaire a été consacré au lancement de la campagne confédérale présentée en introduction par Sophie Binet, pilote du collectif confédéral Femmes-Mixité. Elle a souligné que cette nouvelle campagne présente un double enjeu pour l’égalité femmes/hommes :

  • Le confinement l’a montré, comme le bilan des mesures d’austérité mises en place après 2008, tout recul dans l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie a un impact négatif d’abord sur les femmes sur qui repose le report de cet accompagnement. À l’inverse, garantir un accompagnement digne de ce nom aux enfants, personnes âgées et handicapé·es permet aux femmes d’accéder à des emplois à temps plein et d’avoir un véritable déroulé de carrière.

  • Ces secteurs sont occupés très majoritairement par des femmes. Y investir, renforcer les services publics, reconnaître les qualifications exercées et créer des emplois stables permet de revaloriser les métiers à prédominance féminine et de faire progresser l’égalité professionnelle.

Cette initiative co-construite avec l’ensemble des fédérations et les collectifs confédéraux concernés s’est décomposée en deux tables-rondes, avec des interventions de militant·es des secteurs concernés, d’universitaires et de la CSI.

INVESTIR DANS LE SECTEUR DU SOIN ET DU LIEN ET RENFORCER LES SERVICES PUBLICS

La première table-ronde intitulée « Investir dans le secteur des soins et du lien et renforcer les services publics », animée par Delphine Colin Union Fédérale des syndicats de l’État (UFSE) et collectif Femmes-Mixité et Alexandra Meynard (collectif Service Public – Politiques Publiques) a permis de montrer l’enjeu d’investir massivement dans ce secteur, afin de couvrir tous les besoins sociaux, en termes d’accompagnement face à la perte d’autonomie, à la prise en charge de la petite enfance et aux situations de handicaps. L’expérience portée par la CSI autour de sa campagne « Investir dans l’économie des soins » a été présentée par Tola Ositelu, conseillère égalité à la CSI, et nous servira de point d’appui pour notre campagne1. Puis la présentation générale de l’économiste Emmanuelle Puissant (université de Grenoble-Alpes) a mis en lumière les conséquences de la dégradation générale des emplois et des services rendus en matière de soins et de liens aux autres en France, renforcée par la crise sanitaire dans le milieu hospitalier, dans les Ehpad, ou dans l’aide à domicile. La volonté d’imposer une logique marchande dans tout ce secteur, la recherche d’une réduction systématique des coûts, l’appel au secteur privé (comme dans les Ehpad ou les crèches) conduisent à une dégradation de la qualité du travail et de la qualité des services rendus aux personnes en perte d’autonomie. Les interventions de responsables syndicaux·ales et de salarié·es ont confirmé ce diagnostic : Sophie David-Marrec (Collectif confédéral petite enfance) a insisté sur la dégradation des conditions de travail des personnels en crèches dont « la couche est pleine », alors que les besoins d’accueil sont loin d’être couverts pour les familles (42% des enfants étant toujours gardés par leur mère). Fabienne Clamens (Collectif confédéral santé/protection sociale) a souligné les dangers de la création d’un 5ème « branche » de la perte d’autonomie, dont le financement serait en dehors de la Sécurité sociale. Elle a au contraire défendu la création d’un grand service public de la perte d’autonomie, de la naissance à la mort, pris en charge par les cotisations sociales de Sécurité sociale et assurant une continuité de l’accompagnement et du soin aux autres, avec un personnel reconnu. Sylvie Pons (Fédération de la santé et de l’action sociale) a, quant à elle, insisté sur la situation critique vécue depuis plusieurs décennies par le personnel soignant dont l’activité n’a cessé d’augmenter sans création d’emplois en contrepartie et avec la fermeture de plus de 100 000 lits en 20 ans. Elle a estimé à 310 000 le nombre d’emplois nécessaires à l’hôpital et à 200 000 dans les Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Delphine Moretti (Fédération Services publics) est revenue sur le secteur du travail social et de la situation de la protection de l’enfance, en évoquant la situation des assistantes familiales, chargées d’accueil les enfants placés, avec des niveaux de rémunération très diverses et inégalitaires, selon les départements. Enfin, Guillaume Gobet (délégué groupe de l’Ehpad ORPEA) a dépeint la stratégie du capital de spéculation dans ce secteur, où les critères de rentabilité du privé conduisent à une maltraitance institutionnelle des personnels et des personnes en perte d’autonomie.

1 https://www.ituc-csi.org/IMG/pdf/care_economy_fr.pdf

REVALORISER LES METIERS A PREDOMINANCE FEMININE

La seconde table-ronde, animée par Frédérique Bartlett (collectif Femmes-Mixité) et Ophélie Labelle (fédération santé et action sociale et collectif Femmes-Mixité) est intitulée : « Revaloriser les métiers à prédominance féminine ». Pendant la crise du Covid-19, de nombreuses professions à prédominance féminine ont été en première ligne : ce sont les soignantes, infirmières (87 % de femmes) et aides-soignantes (91 % de femmes), mais aussi des aides à domicile (97 % de femmes), des agentes d’entretien (73 % de femmes), des caissières et des vendeuses (76 % de femmes), ce sont encore des enseignantes (71 % de femmes) ou des assistantes maternelles (99 % de femmes)… Rachel Silvera (université Paris-Nanterre) a démontré pourquoi ces métiers étaient structurellement dévalorisés et que cette dévalorisation est l’un des facteurs expliquant les 26 % d’écarts salariaux entre les femmes et les hommes. Pour revaloriser ces métiers, il faut exiger que la loi soit enfin appliquée, car elle prévoit l’égalité de salaire pour un travail égal, mais aussi pour un travail de valeur égale. De nombreux témoignages de salarié·es de ces secteurs et de responsables syndicales ont donné des points d’appui pour obtenir cette revalorisation : Mireille Carrot (Collectif Confédéral aides à domicile) a évoqué l’éclatement des statuts et conventions collectives encadrant les aides à domiciles, pour qui la déqualification, la pression sur le temps devient la norme. Le glissement vers un modèle d’efficience centré sur l’arbitrage coûts/ résultats fait disparaître la réponse aux besoins des usager·es. Marie Moulinier (infirmière CHU Montpellier) a souligné la dégradation et la dévalorisation des métiers d’infirmier·es et d’aides-soignantes à l’hôpital, en rappelant que l’espérance de vie des infirmier.es était nettement inférieure à celle de l’ensemble des femmes. Elle a précisé que les résultats du Ségur de la Santé sont bien en deçà des attentes des personnels. Cathy Duployer (agente d’entretien en EHPAD) a insisté sur l’invisibilité du nettoyage en Ehpad et sur les exigences de plus en plus élevées, attendues du personnel, « faisant fonction » d’aide-soignante, sans aucune reconnaissance. Malika Gaudel (professeure des écoles) s’est centrée sur la dévalorisation des métiers de l’éducation, que ce soit du côté des professeur·es d’école dont les rémunération sont peu élevées et les temps de travail pas reconnus, mais aussi des AESH (Accompagnant.es d’enfants en situation de handicaps) qui travaillent à temps partiels, pour des rémunérations faibles, sans reconnaissance de leurs qualifications et des Atsem (agent.es territorial·les spécialisé·es des écoles maternelles) dont la pénibilité n’est pas reconnue. Sylvie Vachoux (hôtesse de caisse en charge du secteur grande distribution à la fédération Commerce) a insisté, quant à elle, sur la non-reconnaissance de la pénibilité, la précarité, et les horaires atypiques des caissières. Alors qu’elles ont été très mobilisées pendant la crise et que la grande distribution a engrangé des profits énormes, les revalorisations proposées sont dérisoires. Enfin, Benjamin Amar (Collectif Confédéral salaire) a démontré l’enjeu de la revalorisation des métiers à prédominance féminine dans la bataille CGT pour l’augmentation des salaires, à commencer par une vraie revalorisation du Smic, qui bénéficierait largement aux femmes.  

En conclusion, Céline Verzeletti (secrétaire confédérale) a montré les enjeux multiples de cette campagne qui permet tout-à-la-fois de répondre à d’immenses besoins sociaux, tout en contribuant à réduire les inégalités, notamment entre les femmes et les hommes. Il s’agit de renforcer l’État social, mis à mal depuis des décennies par des choix politiques contraires aux intérêts des citoyen·nes.

Programme Webinaire 1er avril 2021

Ouverture Sophie Binet (pilote du Collectif Femmes mixité)

Investir dans le secteur des soins et du lien et renforcer les services publics (table ronde animée par Delphine Colin et Alexandra Meynard)

Tola Ositelu, Comité des femmes de la CSI. 

Emmanuelle Puissant, économiste, université Grenoble Alpes. 

Sophie David-Marrec, Collectif Confédéral petite enfance

Fabienne Clamens, Collectif Confédéral santé/protection sociale

Delphine Moretti, Fédération Services publics

Guillaume Gobet, Délégué groupe ORPEA (EHPAD) 

Sylvie Pons, Fédération de la santé et de l’action sociale 

Revaloriser les métiers à prédominance féminine (table ronde animée par Ophélie Labelle et Frédérique Bartlett)

Rachel Silvera, économiste

Mireille Carrot, Collectif Confédéral aides à domicile

Marie Moulinier, infirmière CHU Montpellier 

Cathy Duployer, agente d’entretien en EHPAD

Malika Gaudel, professeure des écoles en ille et vilaine Bretagne

Sylvie Vachoux, hôtesse de caisse en charge du secteur grande distribution à la fédération Commerce

Benjamin Amar, Collectif Confédéral salaire

Conclusions Céline Verzeletti, secrétaire confédérale

LIENS UTILES :

Pourquoi les aides à domicile sont-elles davantage rémunérées dans certains départements ? ICI

https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/internationaliser-exporter/0603565367267-petite-enfance-les-creches-privees-un-succes-qui-s-exporte-a-l-international-339746.php

https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/ehpad-profits-maximum-service-minimum_1998005.html

https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2016/11/GUIDE_EGALITE_SYSTEMES_DE_CLASSIFICATIONS-V2-bat-Vfinale.

https://defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/guide_evaluation_non_discriminante.pdf

Rapport de l’IGAS en 2017 qui épingle les crèches privées https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/RdD2017-enfant.pdf

Les Héroïnes du Monde d’Après https://fakirpresse.info/+-mot338-+

https://www.sante-et-travail.fr/sante-et-travail-ndeg-107

https://www.syllepse.net/le-genre-au-travail-_r_46_i_823.html

https://www.egalite-professionnelle.cgt.fr/wp-content/uploads/2021/02/Tract-UFR-8-mars-2021.pdf