CHRONIQUE DU HARCÈLEMENT ORDINAIRE À LA DIRECTION GÉNÉRALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS

Voilà le magnifique bureau proposé à une collègue de la direction générale de retour d’arrêt maladie. Elle avait été expulsée de son service après avoir dénoncé des faits de harcèlement moral et sexuel auprès de son sous-directeur, de la correspondante sociale et de la médecine de prévention. Un bureau sans chaise, sans ordinateur, sans dossier. Un placard, comme on dit couramment, lui indiquant clairement la porte de sortie.

Après huit années d’un long chemin vers la reconstruction professionnelle et personnelle la cour d’appel de Paris a condamné le 25/02/2022 l’agresseur à 6 mois de prison avec sursis et au versement de 15 000 € au titre du préjudice moral, et 6 000 € pour le préjudice professionnel et au remboursement de la somme de 10 000 € pour les frais de justice. … (un recours non suspensif est toujours possible en Cour de Cassation).

L’agresseur, contrairement à notre collègue, a continué de dérouler une carrière plus qu’honorable.

Ce dossier emblématique des difficultés qu’ont les victimes à être écoutées, comprises, respectées, accompagnées, en dit long sur le chemin qui reste à parcourir à notre administration pour qu’enfin les faits rejoignent les beaux discours que l’on nous sert régulièrement quand on évoque l’égalité professionnelle, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et le harcèlement.
Nous apportons tout notre soutien à celle qui a été reconnue comme victime en lui disant toute notre admiration pour son courage,

Montreuil, le 1er mars 2022.

Violences sexistes et sexuelles au travail : un procès emblématique

Le vendredi 25 février 2022, la Cour d’Appel de Paris rendra son délibéré en correctionnelle sur une affaire de harcèlement sexuel et moral au sein de l’administration des Douanes. L’Etat en tant qu’employeur est encore loin d’être exemplaire dans la prévention et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Cette affaire en est une illustration emblématique à quelques jours de la grève féministe du 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes.

Un environnement sexiste banalisé

Seule femme du service, elle découvre un milieu où les blagues sexistes et les rapports de domination patriarcale sont totalement banalisés. Cette ambiance sexiste était le terrain d’une escalade vers le harcèlement sexuel et moral. En effet, les faits de harcèlement sexuel dans « des milieux professionnels historiquement réservés aux hommes et où ces derniers restent majoritaires » représentent dans la Fonction Publique d’Etat les deux tiers des saisines de la Défenseure Des Droits.

Tout au long de la carrière, la banalisation des comportements sexistes et des propos à connotation sexuelle insécurise les femmes sur leurs lieux de travail. Elles sont 80 % à avoir été confrontées à du sexisme au travail. Une femme sur trois a subi au cours de sa carrière une agression sexuelle ou du harcèlement sexuel.

L’Etat, un employeur public loin d’être protecteur pour les victimes de violences sexistes et sexuelles

Sa hiérarchie au lieu de la protéger, a tenté d’étouffer l’affaire et même refusé qu’une enquête soit diligentée par le Comité d’Hygiène de Sécurité et Conditions de Travail, malgré la demande unanime des syndicats. La victime s’est retrouvée dans un premier temps placardisée dans un bureau sans même une chaise pour s’asseoir. Avant que l’administration ne la pousse sans ménagement vers la sortie.

Malheureusement, elle n’est pas la seule victime dont l’administration a failli à son obligation de prévention et de protection. La Défenseure Des Droits fait le même constat accablant :  « Mesures de prévention insuffisantes; sexisme ordinaire toléré; protection insuffisante des victimes; enquêtes inexistantes, menées sans sérieux et impartialité; inertie ou complaisance de la hiérarchie; absence de sanctions exemplaires et effectives; non prise en compte des victimes, et parfois incitation à leur mobilité… Ces situations entraînent par ailleurs des discriminations en cascade sur la carrière et la vie personnelle des victimes. »

En effet, ce sont les victimes qui sont le plus souvent déplacées et qui voient leur carrière détruite ou ralentie. Pourtant, la Fonction Publique a tous les outils pour protéger les victimes et lutter activement contre les violences sexistes et sexuelles, à l’image d’un énième guide que la Fonction publique devrait publier très prochainement.

Il est temps que les paroles se transforment en actes pour mettre fin aux violences sexistes et sexuelles au travail !

Un point presse sera organisé le vendredi 25 février 2022 à la sortie de l’audience à 9h15 au plateau correctionnel de la Cour d’Appel de Paris (Métro Cité) à laquelle nous serons présent.es, aux côtés de la victime et de tous ses soutiens.

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