Alors que Muriel Pénicaud se présente au poste de directrice générale de l’Organisation Internationale du Travail en faisant campagne comme « la candidate des femmes », un collectif de militant·es et d’intellectuel·les dénonce son bilan. « Féministes, nous nous battons pour que les femmes accèdent à toutes les responsabilités. Cependant, nous savons qu’il n’y a aucune automaticité entre la féminisation des responsabilités et l’amélioration du sort des femmes. »

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Muriel Pénicaud a présenté sa candidature au poste de directrice générale de l’Organisation Internationale du Travail.

Pour faire campagne, elle se présente comme la candidate des femmes, en expliquant qu’elle serait la première femme à diriger l’institution depuis sa création. Une bonne nouvelle pour les femmes ? Non malheureusement.

Féministes, nous nous battons pour que les femmes accèdent à toutes les responsabilités. Cependant, nous savons qu’il n’y a aucune automaticité entre la féminisation des responsabilités et l’amélioration du sort des femmes.

L’accès de Margaret Thatcher au poste de première ministre en Grande Bretagne, celui Laurence Parisot au MEDEF, ou de Christine Lagarde au FMI puis à la BCE l’ont montré. Tout dépend des politiques qui sont menées.

Quelles sont les options de Muriel Pénicaud ? Pour le savoir il suffit de regarder son bilan au ministère du travail. Elle a d’abord porté les « ordonnances travail », qui font l’objet de 3 plaintes devant l’OIT pour non-respect des conventions internationales en matière de licenciement, de négociation collective et de représentation syndicale.

Ces ordonnances ont supprimé les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, instances déterminantes pour la prévention notamment en matière de violences sexistes et sexuelles. Muriel Pénicaud a porté une violente réforme de l’assurance chômage baissant les droits de 1,2 millions de chômeurs dont de très nombreuses femmes parmi les plus précaires, employées à temps partiel ou sur des contrats courts.

Alors oui, Muriel Pénicaud a mis en place l’index égalité professionnelle. Cependant, à l’inverse de l’objectif annoncé, l’index organise l’opacité sur les inégalités et permet aux entreprises de légaliser leurs pratiques discriminatoires.

Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les résultats. Alors que les écarts de salaires s’élèvent toujours à 28,5% en France, 99,9% des entreprises ont obtenu un index de plus de 75/100, note, les exonérant de sanction. Pourquoi ? D’abord parce qu’il s’agit d’un système d’auto évaluation, sans possibilité pour les syndicats ou l’inspection du travail de vérifier la notation et d’accéder au détail du calcul. Ensuite parce que les critères de calcul comportent des biais grossiers permettant d’invisibiliser les écarts.

Une situation dénoncée par l’ensemble des organisations syndicales françaises, qui exigent, en vain, que l’index soit modifié.

Cet index symbolise parfaitement la grande cause nationale lancée par Emmanuel Macron : du « féminisme washing », une politique marketing sans aucune avancée concrète pour les femmes.

Même la négociation de la convention 190 de l’OIT, première loi mondiale contre les violences et le harcèlement dans le monde du travail, dans laquelle, la France a porté un mandat ambitieux reprenant l’essentiel des propositions des organisations syndicales et de la Confédération Syndicale Internationale est une déception.

En effet, comme trop souvent, dès le retour dans l’enceinte nationale, cet engagement s’est évaporé.

La France a mis plus de 2 ans à ratifier la convention. Surtout, elle l’a fait à droit constant, en refusant de mettre en place les avancées prévues dans la convention et la recommandation qui l’accompagne, sans même ouvrir une concertation avec les organisations syndicales et féministes !

Il s’agissait pourtant de mettre en place des mesures simples pour protéger les victimes de violences conjugales, comme le droit à mobilité géographique et le droit à 10 jours d’absence rémunérés pour permettre aux victimes de se mettre à l’abri de leur conjoint violent. Ou encore d’instaurer des sanctions pour toutes les entreprises – une large majorité aujourd’hui – ne disposant pas de plan de prévention des violences sexistes et sexuelles.

Malheureusement, Muriel Pénicaud n’est pas la candidate des femmes mais celle des multinationales !   

Premier.e.s signataires :

AHRABARE Alyssa, porte-parole d’Osez le féminisme ! 
AZARIA Ana, Présidente de Femmes Egalité
BEROUD Sophie, professeure de sciences politiques, Lyon 2
BINET Sophie, dirigeante de la CGT pilote du collectif « femmes mixité »
CHARLÈS Claire, porte-parole des effronté-es
CLAMME Cécile, secrétaire générale du Syndicat National du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle CGT (SNTEFP-CGT)
COUPÉ Annick, porte-parole d’ATTAC
DE RONNE Luc, Président d’Action Aid France
GADREY Nicole, économiste
GERARDIN Sigrid, secrétaire nationale de la FSU en charge des droits des femmes
GUILBERT Murielle, co porte-parole de l’union Syndicale Solidaires
KERGOAT Danièle, Sociologue
LARRÈRE Mathilde, historienne
LE QUENTREC Yannick Sociologue Institut Régional du Travail Occitanie
MARTY Christiane, fondation Copernic
MIRALLES Yuna, coordinatrice du collectif #NousToutes
ROJTMAN Suzy, porte parole du Collectif National pour les Droits des Femmes
SILVERA Rachel, économiste, université Paris Nanterre, réseau MAGE