Rappelons d’abord dans ce débat sur les salaires qu’en Europe et en France 80% des personnes au Smic sont des femmes et 50% des femmes sont à un niveau de salaire proche du salaire minimum légal, voire en dessous dans certains secteurs, du fait de planchers de grilles conventionnelles de salaires dans certains métiers à prédominance féminine sous le niveau du smic, et du fait de temps partiels souvent imposés. Et plusieurs pays européens n’ont toujours pas de minima imposés, ni par branches ni nationaux.

En quelques mots rappelons les enjeux de cette directive : Qu’est-ce que la transparence pour l’égalité des salaires ? Suffit-il d’exiger l’égalité au même niveau de diplôme, alors qu’à diplôme égal en début de carrière, jeunes femmes et hommes démarrent avec un différentiel de salaire à l’embauche de 30%, et terminent avec 40% d’écart au terme des pensions de retraite ? Qu’est-ce qu’un système de classification, un système d’évaluation des emplois ? Quelle est la valeur égale d’un travail ? Pourquoi une pétition en direction des membres français du Parlement européen ?

La Confédération Européenne des Syndicats (CES) a pris l’initiative et soumet une proposition à la Commission européenne en novembre 2020 suite à l’inertie de cette dernière malgré ses promesses de campagne de 2019. Force est de rappeler que c’est sous la pression des syndicats comme la CGT que l’analyse des critères d’évaluation des emplois est incluse dans l’objectif de l’égalité salariale (application du principe d’un salaire égal pour un travail de valeur égale). La directive ainsi proposée par la Commission garde tout le sens que lui donnent les syndicalistes féministes et comprend toutes les nouvelles mesures nécessaires à des avancées significatives, la première d’entre elles étant la transparence en vue de rendre comparables salaires et situations d’emplois. Les autres sont : audits, évaluation du travail en vue de comparer sa valeur, publication des données salariales dans l’entreprise. En bref il ne s’agit pas de lever le secret bancaire mais de la levée du secret sur les salaires et les contenus du travail.

Autant dire que contrainte de sa main gauche et sous la pression des groupes d’employeurs, en premier desquels les États employeurs, la Commission européenne ajoute insidieusement de sa main droite, une disposition récurrente permettant à des conseils de l’égalité de supplanter les syndicats et les représentant-e-s élu-e-s des travailleur-euse-s.

Ainsi sans pouvoir vider la directive de son sens et suivant les arguties sur de supposés coûts administratifs d’une telle mise en place pour les entreprises, la Commission déplace le débat et pousse à le focaliser sur les prérogatives des syndicats, évidemment défendues par la CES. Cette dernière position est d’ailleurs relayée par des membres du Parlement européen, dont les rapporteurs. Il ne faudrait toutefois pas qu’elle occulte les vraies raisons d’adopter une directive pour mesurer et mettre en œuvre l’égalité des salaires entre femmes et hommes, quels que soient les pays, les écarts et les diversités. C’est dans ce sens que la CES œuvre depuis le début de l’été dernier.

Elle a à ce jour déjà acquis auprès du Parlement européen de modifier les seuils à partir desquels les entreprises auront obligation de rendre compte de la transparence pour qu’ils concernent un plus grand nombre d’entreprises et pas seulement les grandes. Ainsi l’obligation serait-elle pour les entreprises de 10 salarié-e-s et plus tous les 5 ans, pour celles de 50 salarié-e-s et plus tous les 3 ans, et pour celles de 250 salarié-e-s et plus, tous les 2 ans.

La CGT a relayé le courrier en direction des membres français du Parlement européen, suivi d’un envoi détaillé explicatif point par point des amendements des rapporteurs au Parlement européen. S’agissant d’une directive de procédure ordinaire, le Parlement joue de plein pied avec le Conseil de l’UE, et dans ce premier travail de l’ombre a déjà réussi à faire bouger quelques lignes du Conseil. Reste à peser de tout notre poids de syndicalistes dans ces débats entre Commission, Conseil et Parlement européens. Les votes en commissions du Parlement ont commencé mi-novembre 2021 mais à présent le Conseil s’éloigne le plus possible d’un dialogue social respectueux des organisations syndicales, en prônant « le maintien d’accords des partenaires sociaux déjà en place, à leur demande »…A suivre de près.

Pétition envoyée :