Pour la 18ème fois, l’UFCM CGT des cheminots a soutenu un dossier en discrimination syndicale et obtenu gain de cause ! Mais cette fois-ci, et c’est encore rare, il s’agit aussi de reconnaître une discrimination sexiste ! Alors que la SNCF prétend défendre l’égalité au travers de son statut, de sa grille indiciaire et de son système de déroulement de carrière au choix, ou encore avec son label et son accord égalité, la preuve est faite ici que cela ne garantit en rien l’égalité.

Le 20 octobre 2017, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné la SNCF pour discrimination sexiste et syndicale à l’égard Mme P., syndicaliste CGT !

Ceci est une première car la cour a reconnu la double discrimination (alors que jusqu’à présent, seule une discrimination était acceptée !) : Mme P. a subi un retard de carrière, un déclassement professionnel, parce que c’est une femme et parce qu’elle syndicaliste !

Les faits :

Mme P. est entrée en 1980, en tant « qu’agent commercial train », à la SNCF. Elle obtient le diplôme d’agent de maîtrise en 1982, mais n’occupe le poste de « responsable d’équipe train » que 8 ans après, alors que tous ses collègues hommes, qui ont suivi cette formation après elle, ont obtenu ce poste avant. En 2000, elle est promue « responsable du centre de recouvrement des PV de Marseille » mais à la qualification E (agent de maîtrise) alors que les hommes occupant ce même poste sont tous classés à la qualification F (cadres).

En 2006, suite à la fermeture du centre de recouvrement, elle est reclassée au poste de coordinatrice de formation, statut cadre mais avec la position de rémunération F1-23 et non F2, comme un autre salarié au même poste. A partir de 2009, elle n’aura aucun entretien individuel annuel, bloquant ainsi toute possibilité d’évolution professionnelle. Alors qu’elle postule à de nombreuses demandes de changement de poste, elle n’obtiendra aucune réponse de la direction, ce qui provoquera une dégradation de son état de santé et des arrêts de travail. Elle sera mise à l’écart, privée de bureau et même de chaise, n’ayant que des missions de courte durée, et finalement, elle acceptera en 2014, de partir dans le cadre d’un plan de départ volontaire.

Les arguments retenus :

La cour a reconnu que Mme P. a été victime de discrimination en raison de son sexe et de son appartenance syndicale. Elle a d’ailleurs été victime de remarques sexistes et d’une agression sexuelle en 1991 de la part d’un collègue qui a été condamné par le tribunal correctionnel, alors que la SNCF n’a pas apporté son soutien à Mme P. et n’a pas sanctionné sur le moment l’agresseur.

A partir des différentes attestations de collègues et surtout d’une étude comparative portant sur 7 salariés en situation comparables, fondée sur la méthode Clerc, la cour a reconnu que Mme P. était restée au coefficient 410 pour une rémunération mensuelle brute de 3 504,19€ alors que ces collègues étaient tous en moyenne au coefficient 500 avec une rémunération de 4 207,18€.

Il est important de souligner que l’employeur conteste l’utilisation de la méthode Clerc, en précisant que le déroulement de carrière à la SNCF est un  déroulement au « choix » régi par le statut de la SNCF (chapitre 6). Cet argument ne sera pas retenu par la cour, notamment parce que Mme P. n’a bénéficié d’aucun entretien individuel, alors qu’un document interne de la direction précise que cet entretien est obligatoire et que c’est un outil de management d’appréciation des performances des agents et de leur évolution professionnelle. Ses absences liées à des arrêts de travail ne sauraient justifiées ce manque d’entretien, d’autant plus que ces arrêts sont directement causés par la dégradation de ces conditions de travail. Une nouvelle fois, la méthode Clerc a fait ses preuves et démontré sa pertinence pour toutes les entreprises

Les résultats :

Mme P. bénéficie d’un reclassement au coefficient 523, qualification G2-29.

Elle obtient 99 362€ au titre du préjudice subi en perte de revenus et de retraite (fixé à 48% de pertes), selon la méthode Clerc. Elle obtient 20 000€ de dommages et intérêt, 2000€ pour les frais de procédure (article 700). L’union fédérale des cadres et agents de maîtrise CGT des cheminots de Marseille touche 3000€ en réparation du préjudice subi et 1000€ (article 700).

 

Cour d’Appel Aix en Provence 20/11/2017, n° 2017/518.