La journée d’action du 3 octobre est passée presque sous silence : ce sont les accompagnants et surtout les accompagnantes d’élèves en situation de handicap (AESH) qui se sont mobilisé·es à l’appel de la CGT, FO, FSU et Sud Education. Cette profession est féminisée à plus de 92 %, et comme dans tout le secteur des soins et du lien aux autres, elle est dévalorisée.

Les conditions de travail sont difficiles, sans aucune reconnaissance sociale ou salariale. Comme si l’accompagnement d’élèves en situation de handicap ne nécessitait que peu de moyens, et ne justifiait pas une vraie reconnaissance professionnelle…

Les AESH font partie des 15 professions suivies dans notre enquête de l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires), Mon travail le vaut bien, réalisée pour la CGT. Cette enquête s’inscrit dans une recherche plus large, désormais disponible en ligne : Investir dans le secteur du soin et du lien aux autres : un enjeu pour l’égalité entre les femmes et les hommes et qui fera l’objet d’une restitution ouverte à toutes et tous au Conseil économique, social et environnemental le 9 novembre 2023.

Elles sont 130 000 contractuelles de l’Education nationale, avec un temps partiel imposé et un salaire moyen de 900 euros mensuels… Elles revendiquent d’avoir un vrai statut et non des contrats renouvelés qui les maintiennent dans la précarité, un salaire digne de ce nom, et plus fondamentalement, qu’on reconnaisse l’importance de leur métier par une vraie prise en compte des situations de handicaps à l’école.

Comme si cet accompagnement ne nécessitait qu’empathie et gentillesse, les AESH ont un temps de formation dérisoire (officiellement de 60 heures) et bien souvent, elles se forment sur le tas, en faisant des recherches sur internet à propos du handicap. Or selon notre enquête Ires, près d’une sur deux déclare avoir besoin de plus d’un an pour bien maîtriser ce travail et 96 % d’entre elles disent que leur métier requiert des connaissances théoriques.

Cet accompagnement nécessite de connaître la pédagogie suivie par le ou la professeur·e mais aussi d’avoir une formation spécifique aux handicaps. C’est pourquoi les syndicats plaident pour l’accès à une formation sur deux années entières, avec des stages en immersion, première étape vers une vraie professionnalisation. 

Des conditions de travail dégradées

Selon notre enquête, les AESH souffrent de conditions de travail difficiles, tant physiquement (supporter le bruit et des postures pénibles) qu’émotionnellement : elles doivent faire face à une grande diversité de handicaps qui peuvent être associés à des comportements violents, allant jusqu’à des propos non maîtrisés et/ou des coups à l’égard de l’accompagnante. L’AESH doit alors canaliser, voire isoler l’élève et devient le seul objet d’expression des colères de l’enfant.

Qui plus est, depuis la mise en place des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), les AESH ne s’occupent plus d’un même élève toute l’année, mais de plusieurs, parfois sur différentes écoles, au détriment de la qualité du suivi. Une AESH voit donc augmenter le nombre d’élèves à accompagner, qui peut aller même jusqu’à 11, avec des handicaps différents.

Leurs contrats sont à temps partiel (à hauteur de 60 % du temps complet) alors que le suivi de ces enfants exigerait un temps complet. Mais le gouvernement recherche plutôt un « complément d’activité » pour assurer ce plein-temps et non une amélioration de l’accompagnement. Ce complément d’activité pouvant se traduire par la fusion avec le métier d’assistant·e d’éducation, pourtant différent. De plus, plusieurs activités leur sont déjà demandées, de façon informelle, comme l’assistanat des enseignant·es, ou la surveillance des cours de récréation, sans que ce soit dans leurs attributions, comme si elles n’étaient qu’une main-d’œuvre d’appoint, malléable.

Enfin, elles sont en CDD, et c’est depuis seulement cette rentrée 2023 qu’elles ont obtenu la possibilité d’avoir un CDI au bout de trois ans (et non six ans). Les syndicats exigent leur intégration dans le statut de la fonction publique en catégorie B.

Face à la recrudescence des démissions, des licenciements pour inaptitude ou des arrêts maladies, le gouvernement a octroyé aux AESH une indemnité de fonction de 1 529 euros annuels mais pour un temps complet. Cette prime n’est pas une véritable revalorisation salariale, permettant de rendre attractif ce métier pourtant essentiel. Elles sont donc rémunérées en moyenne autour de 900 euros, ce qui est loin du smic mensuel (1 300 euros) ou d’un salaire décent (estimé à 1 500 euros).

Sans surprise, les AESH de notre enquête sont à 70 % fières de leur métier même s’il n’est pas reconnu par la société, mais aussi 64 % à ne pas vouloir le recommander à leur entourage. C’est pour cette raison que ces AESH exigent en premier lieu une revalorisation salariale (autour de 500 euros en plus), mais aussi leur titularisation, l’accès à un vrai déroulement de carrière et à une formation qualifiante. Pour qu’enfin leur métier soit reconnu à part entière.

https://www.alternatives-economiques.fr/rachel-silvera/accompagnants-eleves-situation-de-handicap-lutte/00108403

Portrait de Rachel Silvera en dessin
Rachel Silvera Maîtresse de conférences à l’université Paris-Nanterre