Le Sénat a voté ce 1er février un amendement en faveur de l’inscription du droit à l’avortement dans la constitution substituant le terme de « liberté » à celui de « droit ». Ce même jour la CGT signait avec des personnalités du droit des femmes et les dirigeant.es de la CFDT, la FSU et l’Union Syndicale Solidaires, une tribune parue dans le Monde « Inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, c’est maintenant ! » (lemonde.fr). Un rassemblement était également organisé devant le Sénat le soir du vote à l’appel du Collectif Avortement en Europe, les femmes décident dont fait partie la CGT. Maintenant, soit Emmanuel Macron entend le voeu de 80% de la population et de la majorité des deux chambres et présente un projet de loi constitutionnel soit le texte revient à l’assemblée pour ensuite faire l’objet d’un référendum.

Tribune

Le 24 novembre 2022, l’Assemblée Nationale a voté par 337 voix pour et 32 contre la proposition de loi présentée par Mathilde Panot [présidente du groupe La France insoumise] qui vise à inscrire dans la Constitution le droit à l’interruption volontaire de grossesse. Le 1er février, cette proposition est présentée au Sénat.

Le collectif Avortement en Europe, les femmes décident affirme aujourd’hui qu’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution française sera un acte politique puissant pour les droits des femmes en France et symboliquement dans le monde.

Lorsque la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique a supprimé, en juin 2022, l’arrêt Roe vs Wade, ce sont les droits des femmes qui ont été attaqués non seulement dans ce pays mais aussi dans le monde entier. Cette décision a cruellement mis en évidence qu’un droit acquis ne l’est jamais totalement, y compris quand il s’agit d’un droit aussi fondamental pour les femmes que celui de choisir librement leur maternité. « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise économique ou religieuse pour que le droit des femmes soit remis en question », écrivait déjà Simone de Beauvoir (1908-1986).

Un accès effectif sur l’ensemble du territoire

Après la décision des Etats-Unis de laisser chaque Etat légiférer en la matière, le président Emmanuel Macron s’est engagé à faire inscrire ce droit dans la Constitution française. Le moment est venu pour lui de tenir cet engagement politique.

En France, depuis le vote de la loi Veil en 1975 ce droit a évolué positivement dans le sens de son élargissement vers plus de liberté et de libre choix pour les femmes. Nous nous en félicitons, comme une large majorité de la population française. Selon un sondage IFOP de juillet 2022, 83 % des Françaises et Français interrogés jugent positivement l’autorisation de l’IVG par la loi et 78 % d’entre elles et eux estiment qu’une « femme doit avoir le droit d’avorter librement ».

C’est pour garantir ce droit, pour qu’il soit pérenne et effectif pour toutes les femmes ne souhaitant pas poursuivre une grossesse qu’il doit être inscrit dans la Constitution et qu’un plan d’investissement dans le service public hospitalier soit prévu pour un accès effectif sur l’ensemble du territoire. C’est une question de démocratie !

Extrêmes droites et intégrismes religieux

Aux Etats-Unis, de nombreuses femmes, dont les plus précaires, sont renvoyées à des pratiques clandestines mettant en danger leur santé et leur fertilité future. En Pologne, au moins trois femmes sont mortes de n’avoir pas pu avorter. Dans plusieurs pays européens, les femmes sont confrontées à des lois de plus en plus restrictives et liberticides… Face à de telles réalités, l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution est, partout dans le monde, une garantie démocratique indispensable. La France ne saurait s’y soustraire.

Dire aujourd’hui que le droit d’avorter n’est pas menacé en France, c’est oublier que les extrêmes droites et les intégrismes religieux s’opposent au droit à l’avortement parce qu’ils s’opposent depuis toujours aux droits des femmes, à leur droit fondamental de disposer d’elles-mêmes et de décider de leur maternité. Le pouvoir patriarcal sur le corps des femmes est tenace, ses tenants ne se sont pas déclarés vaincus.

Au nom des droits des femmes, nous interpellons l’ensemble des sénatrices et sénateurs quelle que soit leur étiquette politique, afin qu’elles et ils votent largement la proposition de loi Panot. Inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, c’est maintenant ! Cet acte hautement politique devra être prolongé par l’inscription de ce droit dans la Charte européenne des droits fondamentaux pour que les droits des femmes, partout en Europe, soient respectés et garantis.

Liste des signataires : Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT ; Françoise Dumont, présidente d’honneur de la Ligue des droits de l’homme ; Sarah Durocher, présidente du Planning familial ; Murielle Guilbert, codéléguée de l’Union syndicale Solidaires ; Elsa Labouret, porte parole d’Osez le féminisme ; Michèle Leflon, présidente de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité ; Claudie Lesselier, présidente de la Maison des femmes de Paris ; Nelly Martin, porte-parole de la Marche mondiale des femmes France ; Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT ; Françoise Nay, cocoordinatrice de Notre santé en danger ; Josée Pépin, collectif CIVG Tenon (Paris) ; Catherine Perducat, présidente de l’Association départementale du Planning familial 94 ; Maryline Ricci, People’s Health Movement France ; Suzy Rojtman, présidente de la Coordination des associations pour le droit à l’avortement et la contraception, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes (CNDF) ; Sabine Salmon, présidente de Femmes solidaires ; Benoît Teste, secrétaire général de la FSU ; Nathalie Trignol, coprésidente de l’Association nationale des centres d’IVG et de contraception ; Claire Wolker, coprésidente de l’Association nationale des sages-femmes orthogénistes.