A la reprise après la (très courte) pause méridienne, les rangs des employeurs sont très clairsemés. Beaucoup se sont éclipsés, même parmi les plus assidus. L’après-midi nous a encore réservé quelques grands moments, parmi lesquels Russie et Belarus s’opposant à la formation des journalistes aux questions de genre au nom de… la liberté de la presse!

Enfin nous en terminons avec le dernier amendement. Et là, avant même que le marteau du président de séance ne retentisse pour annoncer l’adoption de convention et recommandation, c’est la liesse sur les bancs du groupe des travailleurs (ou plutôt, des travailleuses). Ce coup de marteau met (presque) un terme victorieux à plus de 5 ans de bataille de la Confédération Syndicale Internationale avec ses plus de 300 confédérations syndicales affiliées dans 154 pays du monde, sans compter les allié.e.s dans cette campagne que compte le mouvement associatif. D’abord, gagner l’inscription à l’ordre du jour du Bureau International du Travail, puis gagner des rapports d’experts démontrant la nécessité d’adopter une nouvelle convention sur le sujet, puis des projets de texte correspondant à nos revendications, et enfin les négocier et les faire valider lors des conférences de 2018 et 2019…Tout cela grâce à des campagnes de mobilisation dans tous les pays du monde, pour obtenir le soutien des gouvernements à nos revendications….Magnifique bataille sur laquelle le mouvement syndical international peut être fier d’avoir été précurseur et d’avoir devancé la prise de conscience mondiale de #MeToo.

Une victoire que nous sommes en train de gagner grâce à l’unité des syndicats du monde, à leur mobilisation en lien avec celle des femmes, et aussi, dans la dernière ligne droite à la qualité de notre porte-parole Mary Clarke Walker (canadienne) et de l’équipe du comité des femmes de la CSI.

De mémoire d’habitué de l’OIT, une telle émotion et une telle liesse sont inédites. Côté syndical, on applaudit, on pleure, on s’embrasse, les youyous fusent, le slogan “si… se pudo” (“oui, on a pu”) retentit parmi les nombreuses Latinoaméricaines… Mais les représentant.e s des gouvernements ne sont pas en reste, dont certain.e.s viennent nous saluer, nous féliciter, voire nous embrasser. Ne sachant quelle contenance adopter, les (rares) employeurs finissent par se lever également et quelques uns tentent de timides applaudissements. Pendant que les unes scandent « ….Mujeres unidas jamas seran vencidas… », les Africaines font à leur tour retentir leurs chants et se lancent dans la danse…Mais il nous faut provisoirement mettre fin à la fête car le patronat cherche à tout prix à provoquer un incident de séance et serait capable d’utiliser cela comme prétexte pour rompre. Surtout, la bataille n’est pas encore finie et il nous faut rester concentrées dans la dernière ligne droite. La convention et la recommandation doivent encore être formellement votées en commission demain, jeudi 20 juin, et en plénière, vendredi 21 juin. Les règles de majorité sont exigeantes, il nous faut recueillir 66% des voix !
Il nous reste ensuite à valider la résolution qui sera soumise au vote de la plénière pour résumer nos travaux. Il faut bien sûr qu’y figure le fait que nous avons validé résolution et recommandation, mais aussi les conseils pour la transposition dans les pays.
Nous entamons donc à 17h la discussion sur le projet de résolution, et là, surprise, le patronat tente encore d’y supprimer les termes “convention” et “recommandation”, ainsi que la notion de plan d’action ! Le blocage aura donc duré jusqu’au bout…Bien sûr cette tentative ne passe pas. La résolution sera encore discutée, amendée et validée demain, avant que nous ne l’adoptions formellement avec la convention et la recommandation. En attendant, nous allons fêter notre victoire, tenter d’évacuer la pression accumulée, et peut-être même… dormir un peu avant de remonter au front!