La 107e conférence de l’Organisation Internationale s’est ouverte lundi 28 mai, avec comme sujet principal à l’ordre du jour la convention contre les violences et le harcèlement au travail. Devant les gouvernements, les représentant.e.s des travailleurs.es et des employeurs du monde entier réunis pour la séance plénière, Guy Ryder, Secrétaire général de l’OIT, a insisté sur le contexte et le rôle précurseur de l’OIT sur les violences sexistes et sexuelles. La question a été inscrite à l’ordre du jour (grâce à la bataille de la Confédération Syndicale Internationale) en 2015, bien avant #metoo, et si la conférence aboutit, l’OIT proposera un cadre mondial sur un sujet encore très peu traité par les gouvernements et la négociation collective.

 

Séance plénière d’ouverture

Les travaux en commission thématique ont ensuite commencé. Signe de son enjeu, la commission consacrée à la norme contre les violences fait salle comble. La séance était consacrée aux déclarations liminaires de chaque groupe, permettant ainsi de donner le ton sur le sens et l’enjeu des débats des 12 prochains jours. L’enjeu principal du jour : aura t-on une convention, instrument normatif qui s’impose aux États qui la ratifient, ou une simple recommandation, sorte de recueil de bonnes pratiques? La représentante des employeurs, une patronne australienne, a ouvert le bal, insistant – comme c’est original – sur l’enjeu de la souplesse, et sur la bataille culturelle à mener, peut-être plus importante que la mise en place de réglementation. Mais, signe du rapport de force, elle a été contrainte de souligner l’enjeu de la lutte contre les violences et n’a pas formellement repoussé l’adoption d’une convention normative.

Au tour ensuite de Mary Clark, la porte parole des travailleuses et travailleurs, Secrétaire générale du syndicat des travailleurs Canadiens (CTC). Après avoir salué la qualité de la proposition de l’OIT, elle a conclu sous les applaudissements des travailleurs et travailleuses: « Le monde nous regarde, après #metoo, nous ne pouvons pas ne pas adopter une convention qui soit conforme à la nature visionnaire de l’OIT ». Peu coutumiers dans cette enceinte, les applaudissements ont donné le ton des attentes et des exigences.

 

 Groupe des travailleuses et travailleurs: Mary Clarke (CTC) porte parole et Chidi King, Secrétaire

Les interventions des gouvernements ont ensuite été longues, étant donné qu’il n’y avait pas de position unifiée, ni au niveau mondial, ni au niveau des continents.
La Bulgarie, au nom de l’Europe, a ouvert le bal, affichant une position probablement gagnée par les pays qui soutiennent une convention (France, Grande Bretagne, Belgique, Italie, Irlande, Portugal…) : « nous sommes ouverts à une convention complétée par une recommandation ». L’Espagne a brillé par son imagination : pour éviter d’avoir à donner sa position sur le débat convention ou recommandation, elle a proposé l’adoption d’une « motion », texte sans aucune portée juridique. La France et la Belgique ont fait des interventions volontaristes, insistant sur l’enjeu d’avoir une convention de haut niveau, transversale, identifiant clairement les violences fondées sur le genre et sur la nécessité de traiter aussi des violences conjugales.

L’Ouganda est intervenu au nom du continent africain, expliquant soutenir une convention complétée d’une recommandation, mais notant toutefois que sur la question des LGBTI, il y avait des différences culturelles importantes.

En l’absence d’accord continental, les pays d’Amérique sont intervenus en ordre dispersé. À noter, la position du Brésil et du Mexique, qui grâce aux mobilisations syndicales et féministes soutiennent désormais l’adoption d’une convention, en notant qu’elle pourrait devenir une des plus importantes de l’OIT. Sans surprise, les États-Unis n’ont pas soutenu l’adoption d’une convention, mais ils n’ont pas osé non plus la refuser explicitement. Côté asiatique, l’Inde a expliqué soutenir une convention, mais brève et ciblée, et la Chine a listé toutes les mesures prises au niveau national sans donner aucune position sur la future norme de l’OIT.

Conclusion de la journée : nous avons marqué des points déterminants, en gagnant le soutien de pays ou de continents qui n’étaient pas acquis (Europe et Afrique), et en empêchant nos opposants d’assumer explicitement leurs positions. Personne n’a donc osé rejeter explicitement l’adoption d’une convention contraignante. La bataille va désormais avoir lieu sur le contenu de la convention, et notamment sur les définitions, des violences, des employeurs (quelle responsabilité des donneurs d’ordre?) et des travailleurs (la norme concerne t elle aussi l’économie informelle, les précaires, stagiaires, sous traitants…)