La Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, s’est imposée comme un temps fort de mobilisation pour les féministes, au-delà des récupérations politiques et marketing contemporaines, qui ont contribué à effacer dans les esprits ses racines communistes.  

C’est un rendez-vous devenu rituel dans le calendrier des luttes féministes. Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, signe un temps fort de mobilisation, offrant un coup de projecteur salutaire sur les inégalités persistantes et les chantiers qu’il reste à mener. Il est aussi devenu un enjeu propice aux récupérations politiques et commerciales, qui ont contribué à occulter sa genèse. Rares sont en effet les références aux origines de cette journée intimement liée à l’histoire du mouvement socialiste au début du XXe siècle et qui a pris son essor dans le monde soviétique.

« L’idée de cette Journée est née de la confluence des luttes féministes et de l’Organisation internationale des travailleurs », analyse l’historienne Mathilde Larrère.

Tout commence en effet par une idée fondatrice, celle de la journaliste et féministe allemande Clara Zetkin, animée par la volonté de redonner une vigueur au féminisme socialiste, alors concurrencé par le mouvement des suffragettes.

En 1910, lors de la Conférence de l’Internationale des femmes socialistes – à Copenhague (Danemark) en marge du congrès de la IIe Internationale – la militante propose d’instaurer une Journée internationale des femmes. S’ensuivent, en 1913 et 1914, des rassemblements de féministes pacifistes en Europe. Celui des ouvrières de Pétrograd, qui descendront dans la rue le 8 mars 1917 (23 février dans le calendrier russe) pour réclamer du « pain et la paix », dans un pays sinistré par la Première Guerre mondiale (plus de 2 millions de morts ), s’impose comme l’événement fondateur à l’origine du 8 mars.

Considérée par Trotsky comme « le premier jour de la Révolution », cette Journée dite « des ouvrières », devient en Russie, à partir de 1921, la Journée internationale des femmes.

Quand, en 1977, est votée à l’Organisation des Nations unies (ONU) la déclaration 32/142 qui  « invite tous les États à proclamer(…) un jour de l’année (…) pour les droits de la femme et la paix internationale », nulle mention n’est pourtant faite de ce cheminement historique.

Syndicats et associations féministes sous une même bannière

Une mythe prévaut même à cette époque : cette date renverrait au 8 mars 1857, où des couturières américaines se seraient mises en grève. L’historienne Françoise Picq finira par révéler le caractère fallacieux de cet événement, qui n’a pas eu lieu mais avait l’avantage, dans le contexte de la Guerre froide, de gommer les racines communistes de cette journée.

Plus question aujourd’hui de ce mythe tombé dans l’oubli. Officialisé en France, en 1982, par François Mitterrand, le 8 mars réunit chaque année  sous une même bannière syndicats et associations féministes au sein du Collectif national pour les droits des femmes. Un rendez-vous annuel que la déferlante MeToo, depuis 2017, a investi d’une vigueur nouvelle et inscrit dans l’histoire d’une autre révolution en marche.

« L’idée de cette Journée est née de la confluence des luttes féministes et de l’Organisation internationale des travailleurs »

Mathilde Larrère, historienne et spécialiste des mouvements révolutionnaires

Repères :

1910 :  Proposition par Clara Zetkin, féministe allemande et présidente de l’Internationale socialiste des femmes, d’instaurer une Journée internationale des femmes, lors du Congrès de la IIe Internationale, à Copenhague.

1913 et 1914 : Manifestations de femmes européennes contre la guerre.

8 mars 1917 ou 23 février 1917 (calendrier russe) : Manifestations d’ouvrières russes à Pétrograd, événement fondateur à l’origine du 8 mars.

1921 : En hommage à cette Journée des ouvrières, consécration du 8 mars comme Journée des femmes en Russie.

8 mars 1977 : Officialisation par l’ONU de la Journée internationale des femmes.

1982 : Sous l’impulsion de François Mitterrand et d’Yvette Roudy, ministre déléguée aux droits des femmes, reconnaissance, en France, du 8 mars comme la Journée internationale des droits des femmes.

Bibliographie :

– « Journée internationale des femmes : à la poursuite d’un mythe » de Françoise Picq, dans Travail, genre et sociétés, 2000/1 (n°3)

– « Pourquoi le 8 mars est la journée de lutte pour les droits des femmes ? », chronique vidéo de Mathilde Larrère sur le site d’information Arrêt sur images (accès payant)

– « La véritable histoire du 8 mars », Le Journal du CNRS, mars 2014

Article paru dans L’UNION Trimestriel édité par l’Union Régionale Ile De France n°4 Janvier 2023