VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES : Le courage de celles qui ont osé dénoncer les violences sexuelles et sexistes dans le spectacle permet de franchir une étape dans la lutte contre ce fléau !
Le discours prononcé par le ministre de la culture Franck Riester jeudi 14 novembre à l’occasion des « assises sur la parité, l’égalité et la diversité dans le cinéma » marquent une étape dans l’expression de la prise de conscience par l’Etat du problème des violences sexuelles et sexistes particulièrement dans nos secteurs du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel.
L’annonce du financement d’une cellule d’écoute pour les intermittentes et les permanentes des entreprises de spectacle victimes de violences est la réponse à une revendication que nous portons depuis des mois et nous nous réjouissons de son effectivité d’ici seulement quelques semaines.
Offrir aux victimes un moyen d’obtenir sans délai un soutien psychologique et des ressources juridiques pour faire cesser ce type d’agissements et faire sanctionner les coupables est un impératif qui fait donc désormais consensus dans la profession et au ministère de la culture.
Bien sûr nous restons vigilants jusqu’à la signature du plan d’actions par l’ensemble des partenaires et l’adoption de son budget à la hauteur de ce que les actions décidées appellent. Le niveau de l’intervention financière de l’Etat n’a pas été précisé par le ministre à l’heure actuelle.
Nous ne nous trompons pas sur les conditions qui ont permis cette avancée.
Sans la mobilisation des premières concernées, sans le courage exemplaire de celles qui se sont exprimées publiquement, sans l’écho important qu’elles ont provoqué dans toute la société, les revendications et les propositions que nous avons portées dans notre rôle d’organisation syndicale auraient pu attendre encore longtemps.
Raison pour laquelle nous appelons plus que jamais l’ensemble des artistes et des professionnel.le.s à se mobiliser contre le fléau des violences sexuelles et sexistes, notamment en participant en masse aux manifestations organisées le 23 novembre.

Paris, le 14 novembre

site de la fédération Cgt du specatcle

Ci-dessous, les communiqués de la Fédération Cgt du spectacle :

  • VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES : Combien faut-il de nouveaux témoignages pour agir enfin ?

Le vendredi 8 novembre, dans un témoignage livré au Parisien, Valentine Monnier expliquait avoir été frappée et violée par Roman Polanski en 1975, alors qu’elle était âgée de tout juste 18 ans. Ce témoignage vient s’ajouter à d’autres qui visent le réalisateur franco-polonais, et survient dans un contexte où de plus en plus de femmes, à l’instar d’Adèle Haenel, osent publiquement dénoncer les faits dont elles disent avoir été victimes.

La fédération Cgt du spectacle salue le courage de ces femmes et rappelle que la présomption d’innocence, à laquelle nous sommes bien évidemment attachés, ne saurait occulter la parole des victimes.

Cette nouvelle accusation visant Roman Polanski appelle plusieurs questions :
-Le talent atténue-t-il la responsabilité des présumés (quand ils ne sont pas condamnés) agresseurs ?
Il s’agit bien ici d’une spécificité propre au milieu du spectacle, où d’aucuns tentent de placer les faits délictuels voire criminels perpétrés par un réalisateur ou metteur en scène sur l’autel de l’art. Nous le répétons : rien ne peut justifier des violences sexuelles et le statut de « monstre sacré du cinéma » de Roman Polanski (ou d’autres) ne peut en aucun cas être mis en avant pour botter en touche à propos de la question des faits présumés qui lui sont reprochés par plusieurs femmes.
– Peut-on séparer l’homme de l’Artiste ?
Alors que les violences sexuelles sont endémiques à l’échelle de la société, et donc à l’échelle de nos secteurs d’activité, il n’est plus possible de faire abstraction quand il est question d’un artiste des faits dont il est accusé ou a pu se rendre coupable. S’il est possible d’admirer la filmographie de tel réalisateur ou artiste, cette filmographie, aussi riche et géniale soit-elle, ne constitue pas un « totem d’immunité » qui rendrait inattaquable l’homme derrière l’artiste.
-Pendant combien de temps le milieu du spectacle va-t-il continuer d’être une zone de non-droit pour les femmes victimes de violences sexistes ?
Les témoignages s’accumulent depuis plusieurs mois contre des réalisateurs, des producteurs, des directeurs de théâtre, des chefs d’orchestre, des chorégraphes, des acteurs, sans que ces témoignages ne soient suivis de réels effets judiciaires, ou d’une prise de conscience collective que cela peut et doit cesser, définitivement. Sans doute que le témoignage d’Adèle Haenel marquera un tournant, car comme elle l’explique si bien, son statut social, supérieur dorénavant à celui de son agresseur, la protège. Mais qu’en est-il des dizaines et des dizaines d’autres victimes, peu voire pas du tout connues (toutes n’étant pas artistes par ailleurs), au statut précaire ? Les témoignages que nous avons recueillis sur la plateforme « l’envers du décor », lancé en 2017, le prouvent : il y a urgence à agir pour que plus jamais personne n’ait à subir de violences sexuelles dans nos secteurs.

La fédération Cgt du spectacle appelle donc à la mise en œuvre rapide d’un plan d’actions contre les violences sexistes et sexuelles dans nos secteurs, avec :
-La création d’une cellule d’écoute pour les victimes de telles violences, qui permette une aide psychologique et juridique ;
-La formation des médecins du travail pour permettre un recueil de la parole au cours des visites médicales obligatoires ;
-Une campagne d’information à l’attention de tous les salarié·e·s du secteur pour expliquer leurs droits et les recours possibles en cas de situation de violences ;
-La formation des employeurs et salarié·e·s en position de managers sur cette thématique.
En plus de ce plan d’actions, nous appelons à la création de dispositifs permettant la prise en charge financière des frais juridiques des victimes qui souhaiteraient aller en justice (alors que beaucoup sont précaires). Notre secteur doit aussi s’emparer à bras le corps de la question cruciale du « blacklistage » : aucune victime qui témoigne ne doit subir de conséquences professionnelles et se retrouver écartée des opportunités d’emploi, parce qu’elle a osé parler.
Ce plan doit être soutenu par le ministère de la Culture, pour que les paroles soient suivies d’engagements tenus

NOUS DEVONS ÊTRE À LA HAUTEUR DU COURAGE DES FEMMES QUI TÉMOIGNENT, ET AGIR, ENFIN.

13/11/2019

Médiapart révèle aujourd’hui les violences à caractère sexuel qu’a subi l’actrice Adèle Haenel entre 2001 et 2005, mineure à l’époque, de la part de Christophe Ruggia, qui était alors son réalisateur.
L’article est très documenté et raconte malheureusement un scénario bien connu : une forme d’emprise qui se met en place, une relation de pouvoir par nature déséquilibrée, avec la menace sur le contrat en cours comme sur la carrière future, sans oublier la complicité muette de celles et ceux qui voient, savent mais ne font rien. Ne restent que la peur et le sentiment d’isolement de celle ou celui qui subit. Nos métiers étouffent dans ce silence.
Nous l’avons déjà dénoncé dans plusieurs communiqués, notamment sur le Centre dramatique national des quartiers d’Ivry, sur la programmation de Charles Dutoit à la Philharmonie de Paris par l’Orchestre National de France ou sur l’impunité dans l’industrie musicale.
Notre attachement à la présomption d’innocence ne saurait masquer l’importance aujourd’hui d’agir concrètement pour mettre un terme à la possibilité même de tels agissements.
Il ne faut plus que le cinéma, l’audiovisuel, le spectacle soient des espaces tolérant « au nom de l’art » la destruction des corps et des vies de celles et ceux qui les fabriquent.
Il ne faut plus qu’un.e artiste ou quiconque soit laissé.e seul.e, victime de violence, harcèlement, de la part d’un réalisateur, d’un producteur, d’un directeur… sans pouvoir trouver d’issue et de soutien autour d’elle ou lui. La responsabilité des « chefs » se limite à la création d’une oeuvre, même la plus personnelle : cela ne leur confère aucun pouvoir absolu, n’exonérant ni de la responsabilité pénale, ni de la protection du Code du Travail.
Des mécanismes de protection et d’accompagnement de celles et ceux qui osent révéler ces violences doivent être mis en place au plus vite, pour garantir aux victimes un accès efficient à la justice, et afin que leur courage ne signe pas la fin de leurs carrières.
Il faut que les différents niveaux de responsabilités soient les garants de la sécurité au travail de toutes et tous. Pour cela un plan d’action doit se mettre en place, soutenu par le ministère de la Culture, le Centre national du cinéma, les organisations d’employeurs et les syndicats représentatifs du secteur. Non pas dans un ou deux ans, mais dans les mois qui viennent !
La Fédération spectacle et ses syndicats rappellent que sa campagne « l’envers du décors » (https://enversdecorsexisme.tumblr.com) recueille depuis 2017 les témoignages des victimes et des témoins. Cela nous permet d’accompagner celles et ceux qui le souhaitent, de les orienter.
Leur courage permet d’espérer l’effondrement du mur du silence dans nos métiers.
Nous les remercions pour cela.

Paris, le 6 novembre 2019

« Quand c’est non, c’est non », c’est le message qu’ont porté des militant.e.s d’H/F sur le plateau du Centre National Dramatique (CDN) des Quartiers d’Ivry lors de la soirée d’ouverture de la saison 19-20.
« Non ! », c’est ce qu’ont répondu la compagnie de Myriam Saduis et le collectif Eskandar qui étaient programmés cette année et ont donc refusé de jouer dans ce lieu sous cette direction.
« Aidez-nous » est le message envoyé par les salarié.e.s du CDN dans une lettre ouverte, diffusée sur SceneWeb.
Suite à la plainte pour viol déposée contre le directeur Jean-Pierre Baro et aux dénonciations pour violences à caractère sexuel qui se sont multipliées ensuite à son encontre, les salarié.es se retrouvent seul.e.s face à la décision de rester, de travailler, de créer dans ce CDN ou non.
Chacun et chacune seul.e face à sa conscience, ses problématiques, sa peur ou sa colère.
Toutes et tous abandonné.es face à l’absence de réponse du ministère de la Culture.
MAIS QUE CE SILENCE EST ASSOURDISSANT !
Nous tenons à exprimer ici notre soutien aux salarié.e.s du Théâtre des Quartiers d’Ivry.
Ce CDN, comme tous les autres, est essentiel dans ses missions de création et de rapport de proximité avec le public sur le territoire. Nous ne pouvons imaginer ces missions menées à bien dans l’atmosphère qui découle des révélations faites par de nombreuses femmes sur les agissements néfastes de l’actuel directeur.
La Fédération Cgt du Spectacle est attachée à la présomption d’innocence. Néanmoins nous ne pouvons comprendre ce lourd silence des tutelles dans une situation qui s’envenime. Attendent-ils que les dénonciations se multiplient encore ? Que les partenaires se désengagent ? Que les salarié.e.s s’enfuient ? Que le lieu se vide ?
La Fédération Cgt du Spectacle soutient toutes les initiatives qui permettent de lutter contre toutes les violences qu’elles soient à caractère sexuel ou moral.
Nous remercions pour leur courage toutes celles et ceux qui portent plainte. Et nous rappelons que même dans le cadre d’un non-lieu (très fréquent dans ces affaires), l’employeur peut être jugé responsable pour violation de l’obligation de sécurité des salariés.es.
C’est le résultat de l’action menée par le SFA aux Prud’hommes avec l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT) contre la Compagnie Ma quête concept.
Que chacun prenne bien la mesure de ses responsabilités…
La Fédération Cgt du Spectacle et ses syndicats demandent au ministre de la Culture, Frank Riester d’agir, enfin, pour assurer aux personnels techniques, administratifs et artistiques des conditions de travail sereines et sécurisées, et ainsi rendre au public d’Ivry son Centre Dramatique National.

Paris le 27 septembre 2019