Ce 1er octobre, était organisé un live diffusé sur les réseaux sociaux de NousToutes et de la CGT. Au programme, la question des violences sexistes et sexuelles au travail. On y parle notamment de la nouvelle convention de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) contre les violences sexistes et le harcèlement sexuel au travail.
Avec la participation de Ludovica Anedda (CARE France), Sophie Binet (CGT) et Alice Bordaçarre (ActionAid France).
Prévention, formation, accompagnement et protection des victimes …
Pour en savoir plus sur la convention 190 de l’OIT sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail adoptée le 21 juin 2021 :
– les propositions CGT Care Action Aid Peuples Solidaires pour la transposition en France : Propositions CGT Care Action AId Transposition de la convention 190

Convention OIT contre les violences et le harcèlement au travail

Grâce à la mobilisation menée au plan mondial avec la CSI, nous avons gagné en 2019 l’adoption de la première loi mondiale contre les violences et le harcèlement dans le monde du travail, la 190e convention de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Cette convention est accompagnée d’une recommandation n° 206, qui n’a pas de valeur contraignante mais sert de guide d’application de la convention en venant préciser le contenu des mesures à mettre en place. Ces textes contiennent des avancées pour l’ensemble des pays du monde, quelque soit leur législation :
– 1 pays sur 3 n’a pas de législation interdisant spécifiquement le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.
– Dans les pays qui comme la France ont déjà des législations qui définissent et interdisent les violences sexistes et sexuelles, le problème c’est que la loi n’est pas effective par manque de moyens, de droits pour les victimes, de sanctions pour généraliser les pratiques de prévention et protéger les victimes. Donc contrairement à ce que disent gouvernement et patronat, il n’y a pas trop de lois en France, au contraire, il faut créer de nouvelles obligations pour les entreprises adossées à des sanctions avec des protections renforcées pour les victimes.

Le texte de la convention 190 et de la recommandation 206 comprennent un certain nombre de nouveautés par rapport à la situation française et notamment :

– Violences conjugales. C’était un point central dans notre bataille.Obtenir que le texte ne se limite pas aux violences au travail, mais s’intéresse aux violences conjugales. Pourquoi? Tout simplement parce que la première conséquence des violences conjugales est la perte de l’emploi pour les victimes. Parce que c’est le premier lieu ou le conjoint violent pourra les retrouver et qu’elles seront contraintes à la démission ou au licenciement pour se protéger. Ou parce que, les nombreuses démarches qu’elles doivent accomplir (gendarmerie, logement, gestion des enfants…) les empêchent de venir travailler. Pourtant, le travail, c’est leur planche de salut, car c’est ce qui garantit l’indépendance économique et permet durablement d’échapper aux phénomènes d’emprise. Nous avons donc gagné dans la convention, le droit, pour les victimes de violences conjugales à des jours de congés pour effectuer leurs démarches (judiciaires, administratives, sociales…), à un aménagement de leur travail pour pouvoir se mettre à l’abri du conjoint (mobilité géographique, fonctionnelle..) et une protection contre le licenciement.

– Généralisation de la prévention et de la formation, alors que + de 80 % des entreprises n’ont pas de plan de prévention des violences. La convention OIT prévoit l’obligation de négocier avec les syndicats sur tous les lieux de travail sur les violences sexistes et sexuelles (en France nous avons seulement gagné en 2018 l’obligation de négocier au niveau de la branche), le renforcement des sanctions et des moyens d’action de l’inspection du travail, l’obligation de former tou·te·s les professionnel·le·s et de sensibiliser largement les travailleur·euse·s… Concrètement, cela pourrait se traduire par exemple par la mise en place d’une heure de sensibilisation annuelle obligatoire pour tou·te·s les travailleur·euse·s

– L’obligation d’accorder une attention particulière aux personnes en situation de vulnérabilité (les personnes LGBTQ+, les travailleuses précaires, les migrantes) et de limiter les facteurs de risque (travail de nuit, isolement, précarité…)

– L’obligation d’intégrer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans toutes les politiques publiques et de prévoir un financement à la hauteur. En France, le mouvement féministe exige un milliard d’euros !

– Enfin, ce texte permet de responsabiliser les multinationales sur les conditions de travail dans sites à l’étranger et chez leurs fournisseurs et sous-traitants. Par exemple, dans le textile, au Bangladesh, le pays où sont fabriqués la majorité des vêtements que nous portons, 80 % des femmes sont victimes de violences sexuelles. Le problème c’est que pour l’instant les donneurs d’ordres ne peuvent pas en être tenues responsables et n’ont pas d’obligation légale…

Pour s’appliquer, la convention doit être ratifiée par chaque pays. Pour l’instant, les îles Fidji et l’Uruguay l’ont fait, dans de nombreux autres pays un processus est en cours…mais pas en France contrairement aux promesses du gouvernement. Un processus de ratification passe par une négociation tripartite, qui n’a toujours pas été enclenché par le gouvernement, et pour cause… Le patronat français est totalement opposé au contenu de ces nouveaux textes. Rappelons que lors de la négociation à Genève, le MEDEF avait été une des rares organisations patronales au plan mondial à voter contre la recommandation !