La séance a repris ce lundi sur l’examen de l’article 7 du projet de convention contre les violences et le harcèlement, détaillant les obligations des États qui l’auront ratifiée. Le projet du Bureau International du Travail (BIT) prévoit « l’obligation pour les États de reconnaître le droit de toute personne à évoluer dans un monde du travail exempt de violence et de harcèlement et d’adopter une approche consistant notamment à : interdire en droit toutes les formes de violence et de harcèlement ; adopter une stratégie globale de prévention ; garantir l’accès à des moyens de recours et de réparation ainsi qu’un soutien pour les victimes ; … ». L’énumération de ces obligations, pourtant relativement générales, fut l’occasion d’un tir nourri de certains gouvernements et des employeurs.

Leur offensive  vise à rendre impuissante cette future convention en introduisant à différents endroits du texte un principe de relativité de prise en compte du droit international en fonction du contexte national ou du cadre juridique existant dans chacun des États. Il s’agit d’une logique mortifère pour l’OIT, car elle attaque le fondement même de l’institution : la détermination d’un droit universel du travail, situé au-dessus des législations nationales, reposant sur de grands principes fondamentaux et s’appliquant partout et à tous de la même manière.

Un véritable cheval de Troie que les employeurs avaient déjà utilisé ici concernant le droit de grève : ainsi, depuis 2012, à chaque fois qu’une plainte concerne le droit de grève, le Comité de la Liberté Syndicale, chargé en principe de le faire respecter, renvoie dans ses conclusions au cadre légal national pour déterminer si la plainte était ou non fondée. En France, certains magistrats distillent aussi ce poison en mettant en avant un nouveau principe, le « taux de mutabilité du droit universel », qui exonèrerait le magistrat d’une application rigoureuse de l’article 55 de la constitution, celui qui fixe que les conventions et les traités internationaux qui engagent la France sont supérieurs aux lois de notre pays.

Ainsi, les amendements qui visent à penser la future convention « en fonction de la situation nationale de chaque pays », « compte tenu de la situation et des spécificités nationales », « dans le respect de la législation et de la situation nationale » portent-ils atteinte au sens même du droit social universel dont l’OIT est l’instigatrice et la garante. Les gouvernements qui se rendent complices de cette volonté des employeurs de « débrancher » l’OIT sont, parmi d’autres : Les États-Unis, l’Australie, Israël, le Japon, la Libye, l’Iran, l’Égypte, l’Algérie …

Notons que les pays de l’Union Européenne, par la voix de la France qui est leur porte-parole à la conférence internationale du travail tiennent bon, pour l’instant, et refusent de donner suite à cette relativisation du droit universel du travail. Devant l’absence de consensus, le règlement définitif de ce différend entre employeurs et travailleurs, divisant aussi les gouvernements entre eux, a été remis à l’année prochaine. Les travailleurs doivent empêcher cet affaiblissement programmé du droit, avant même que la convention ne soit adoptée. La CGT tiendra son rang sur cette ligne de front en 2019 !